Réflexion : La table, mixité des usages
Les lieux accueillant du public, les lieux d’habitation privés et les lieux de travail voient depuis qq temps leurs identités, leurs usages et utilisations se fondre en une nouvelle typologie.
La Covid et l’obligation de reporter chez soi ses usages de travail, de consommation, a enfoncé le clou d’un mouvement déjà initié auparavant par la technologie, en forçant les personnes à revoir leur manière de travailler, manger, consommer et se rencontrer.
Depuis plusieurs années, à travers par exemple la tendance du « mix en match » en déco, le mélange de genre, d’époques, d’usages qu’on avait préalablement décidé de ne pas mélanger, est en marche. On ne s’interdit plus rien, on ouvre des yeux nouveaux sur le métissage, l’association des contraires, on remet en cause un ordre établi on ne sait plus trop pourquoi ni par qui, et ces nouvelles combinaisons viennent peut-être déterminer le style de notre époque, faute de création.
hybridité et tiers lieu
Le concept de « tiers lieu » tel que l’entend Ray Oldenburg (depuis 1989), très à la mode en ce moment, propose un lieu de rencontre comme un terrain neutre, ouvert, accommodant et accessible, prolongation de la maison dont le but est de favoriser les échanges. On y trouve des services, de la restauration, on peut y travailler, y manger. L’hôtellerie telle qu’elle se développe actuellement, cad en étant autant un lieu de vie pour les voisins qu’un dortoir pour les voyageurs, va plus loin en permettant en plus de dormir sur place.
La chaine d’hôtel EKLO, dont je réalise l’architecture d’intérieur, propose non seulement d’héberger pour la nuit des voyageurs seuls, en couple, famille en groupe dans des typologies de chambres particulières (de la chambre single à la duo, famille au dortoir), en leur proposant généreusement une cuisine comme à la maison à dispo, mais aussi d’accueillir ses voisins dans son restaurant, tour à tour coworking, salle de concert, de réunion, d’apéro … toutes les plages horaires sont vivantes, tout les espaces sont occupés et le local se mélange au voyageur. On appelle ça un lieu de Vie.
La tendance à venir semble donc être à l’hybridité, à la globalisation des usages qui font la vie quotidienne dans UN lieu qui proposerait sa manière d’occuper tous les usages, toutes les plages horaires, et leur multiplication, qui permet paradoxalement de passer d’un lieu à l’autre, afin de bannir toute possibilité d’ennui.
LA table, un symbole
Un meuble, très cher à mon cœur, me semble être le symbole de la mixité : la TABLE. Un plateau de taille variable, un pied, et des usages. Un allié flexible et accueillant, sur lequel on mange, on travaille, on débat, on emballe, on sert, on empile, qu’on débarrasse pour retrouver une page blanche. La hauteur elle aussi varie, des 72 cm classiques au mange debout comptoir, en passant par les hauteurs intermédiaires du plan de travail. A la maison, elle s’est transformée en bureau pendant le confinement, au resto on y mange autant qu’on y travaille. La table nous sépare autant qu’elle nous relie, mais elle est toujours un point de ralliement.